23 janvier 2024
La bourse européenne de l’énergie EEX publie gratuitement les prix du marché. Offrent-ils pour autant une vision claire du prix final pour le consommateur ?
Pas si simple.
Elliot Folly, ingénieur sourcing chez Gaz Européen, nous éclaire sur le marché de l’énergie et la fixation des prix.
Le marché de l’énergie désigne le marché de gros. Il faut le distinguer du marché de détail, où s’opère la fourniture du client final. Le marché de gros est l’environnement dans lequel les acteurs ayant des besoins importants rencontrent des acteurs ayant de gros volumes à livrer. Ainsi, les énergéticiens achètent de l’énergie aux producteurs. Les échanges peuvent se faire de deux manières : soit de gré à gré, c’est-à-dire via une transaction privée entre deux parties, par exemple à l’issue d’un appel d’offres ; soit de façon intermédiée et organisée, sur la bourse.
EEX est une des principales plateformes boursières en Europe. Elle gère les transactions en direct et publie les prix de marché afin d’offrir une vision globale de son évolution. Ces prix sont consultables sur son site Internet, gratuitement pour les plus récents et en échange d’un abonnement pour les plus anciens.
Comme pour tous les produits de consommation courante, les prix du gaz et de l’électricité dépendent de l’équilibre entre l’offre et la demande.
Sur le marché gazier, l’offre repose principalement sur le gaz norvégien et le GNL. Ce dernier a pris une place fondamentale depuis la rupture des livraisons russes puisque les stocks doivent être remplis en été pour sécuriser l’approvisionnement en période de chauffe.
L’offre d’électricité est liée au niveau de production du parc nucléaire français et des sources renouvelables. Une plus faible part provient d’hydrocarbures, notamment de gaz, ce qui explique la corrélation entre les cours de l’électricité et du gaz.
La demande dépend, quant à elle, du niveau de consommation des ménages d’une part et des industriels d’autre part. Le premier est lié aux températures et au comportement des consommateurs, le deuxième à la conjoncture économique : en cas de ralentissement, la demande industrielle diminue.
Dans un contexte où le niveau d’offre est performant et la demande ralentie, on assiste à une tendance baissière des prix.
Il faut d’abord savoir que les prix et indices revêtent deux dimensions : une dimension spatiale, avec la notion de « point d’échange » et une dimension temporelle, avec la notion de maturité.
Tous les grands pays consommateurs de gaz ont leur propre point d’échange. Le point d’échange hollandais fait figure de référence en Europe car les transactions y sont très nombreuses. En France, ce point est nommé PEG, comme « point d’échange de gaz ».
Pour ce qui concerne la maturité, on parle de produits spots (au comptant) et de produits futurs (à terme). Les produits spots permettent aux acteurs d’optimiser leur portefeuille à court terme (jour J, Jour J+1, week-end) mais ces prix sont volatils. Les participants utilisent donc également des produits futurs pour diminuer le risque et garantir un prix ferme sur une période plus longue (mois ou années).
La plupart des prix publiés sont des prix de clôture calculés en fonction des prix des transactions réalisées sur la bourse.
Un indice correspond à la moyenne des prix de clôture calculée pendant une période définie pour une livraison sur une période spécifique et pour un point d’échange particulier.
Les plus courants sont :
Les chiffres publiés sont des prix bruts, qui concernent le marché de gros. Sur ce marché, on achète un volume journalier constant, livré sur une certaine période. La consommation du client final, quant à elle, est fluctuante. C’est le rôle du fournisseur d’adapter un achat sur le marché de gros au profil de consommation des clients. C’est ce qu’on appelle être responsable d’équilibre. Cela induit des contraintes opérationnelles au jour le jour, telles que les prévisions de consommations, la gestion des stockages, l’achat et la vente sur les marchés spots. Cela implique donc des surcoûts entre le prix de gros et le prix de fourniture.
A ce prix de l’énergie, appelé prix molécule pour le gaz et électron pour l’électricité, s’ajoutent des coûts d’acheminement, de stockage et la fiscalité.
Pour illustrer le concept de prix de marché versus prix final sur le marché du gaz, on peut comparer cela au prix des cours du blé versus le prix des céréales pour le petit déjeuner, ou encore le prix du baril du pétrole versus le prix de l’essence à la pompe. Lorsque son prix est tombé à des niveaux négatifs lors de la crise Covid, les stations essence n’ont pas rémunéré les clients pour venir faire le plein.
Notons également que les prix de clôture ne sont pas forcément le reflet des prix traités sur le marché. Ils sont calculés dans une fenêtre de temps bien précise, (généralement quelques minutes en fin de journée) selon une méthode qui se base sur la moyenne entre les ordres à la vente & ceux à l’achat dans le cas où il n’y a pas de transaction effectuée dans cet intervalle. Or, c’est souvent le cas pour les produits PEG long terme qui sont relativement peu liquides.
Certes les prix de marché publiés permettent d’avoir une vision globale du niveau des cours et de la tendance du moment. Mais il est difficile pour un non-spécialiste d’en déduire le prix de fourniture ou le prix final pour le consommateur.